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De Marceline Desbordes (épouse Valmore), née en 1786 à Douai, on retient sa vie faite d’errances, de séparations et de mélancolie. La perte de sa mère, à l’âge de 11 ans, en Guadeloupe où elle cherchait fortune après la faillite familiale, celle des êtres chers, frère, amie, amant, enfants (un seul sur quatre lui survécut), la séparation d’avec sa ville natale qu’elle chérissait sont autant d’événements douloureux qui pesèrent sur sa sensibilité.

Nostalgique, romantique, blessée, ainsi était Marceline qui dès 16 ans commençait à jouer la comédie et connut toute sa vie une précarité assaillie de difficultés matérielles, au cours de ses pérégrinations de comédienne, d’épouse et de mère qui la menèrent de Rouen à Paris, de Lille à Bruxelles, de Lyon à Milan , puis en Angleterre.

Cela suffit-il à faire un poète ? Certes, non. Il y faut autre chose et cette femme qui n’avait pas eu l’éducation d’un Rimbaud (le polisson était lettré) ou d’un Verlaine doit son talent à son travail d’autodidacte et à ses dons.

Elle fut remarquée par ses pairs, masculins, ce qui est encore plus remarquable. (Dans leur petit monde, les poètes ne se font guère de cadeaux et l’admiration totale s’accompagne très bien du mépris le plus affirmé)

Parmi eux, Baudelaire, Hugo, Lamartine et plus encore Rimbaud et Verlaine.

"Prends- y- garde, ô ma vie absente !" Ces mots que Rimbaud a écrits au dos d’un de ses manuscrits (Bannières de Mai) et qui lui furent attribués comme un de ses aphorismes mystérieux de poète voyant sont en fait extraits d’un poème de Marceline dont Rimbaud, connaissait l’œuvre et qu’il fit découvrir à Verlaine, comme le signalent les éditions du petit véhicule de Nantes.

« Prends-y- garde, ô ma vie absente !

C’est moi qui t’appelle en pleurant. »

Paul Verlaine la compte dans sa liste des Poètes Absolus (les Poètes Maudits).

Et son admiration est renforcée quand il constate que « Marcelline Desbordes Valmore a, le premier d’entre les poètes de ce temps, employé avec le plus grand bonheur des rythmes inusités, celui de 11 pieds entre autres, très artiste sans trop le savoir, et c’est tant mieux. »

Il y a un grand débat sur la musicalité de l’impair et on lira avec bonheur l’étude de Michel Gribenski.

"De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l'Impair

Plus vague et plus soluble dans l'air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose."

Sur cette utilisation intuitive et non théorisée par Marceline des vers impairs, je formule l’hypothèse, qui ne doit pas être nouvelle, que son métier de cantatrice et de comédienne l’a influencée dans son style élégiaque. Le vers impair est utilisé dans le chant, c’est un fait et la théorie ne vient qu’après.

Les Ô qu’elle affectionne sont un autre signe d’une écriture marquée par l‘expression orale.

Ces vers sont écrits pour être dits, chantés, pleurés.

Une grande poète qui a sa place auprès de celles évoquées sur ce blog dans la série des « Femmes poètes » et qui, décidément, n’eurent pas la vie facile !

"Un jour tout sera libre et Dieu sera roi"

Osez, osez Marceline !

Les vies absentes de Rimbaud et de Marceline Desbordes-Valmore, par Olivier Bivort

Julien Clerc a fort bien transposé le poème "Les séparés " de Desbordes-Valmore

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