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Poème du Vent Des Globes

AVERTISSEMENT



Ce poème est un ready-made.

Il est constitué essentiellement des dépêches postées sur le site de l’organisateur du Vendée Globe, la plus belle course de voile en solitaire autour du monde.

Je n’ai fait que lire, admirer, recueillir, assembler.
Et ajouter quelques griffures ou graffitis comme on voudra, de ci, de là.

Le poème appartient aux marins, gloire à eux !

 

Bernard Gueit
(Fin d’année 2022)

Poème du Vent Des Globes

  

                Nous sommes partis tous les trois, Marie-Laure, Raphaële et moi, vers les Sables d’Olonne, avec une seule idée en tête : assister à l’arrivée d’Ellen MacArtur.

Marie-Laure a réservé un Hôtel par internet. Nous espérions partir en compagnie de nos amis avec qui nous suivons depuis le début et pour la première fois dans notre petite famille cette course fabuleuse, mais malheureusement ils n’étaient pas disponibles à cette période...

Nous avons acheté une carte du monde à la librairie Thuard, au Mans, et Marie-Laure a confectionné des petites embarcations symbolisées par une oriflamme, où on peut lire le nom du bateau. Chaque jour au début, puis au moins chaque semaine, nous allons chez nos amis, Michel et Patricia et nous faisons le point, à partir des positions relevées sur le site internet de l’organisation : WWWW.vendeeglobe.com.

 

Raphaële et Estelle s’initient à la géographie planétaire, Michel et moi, nous révisons pas mal ! Enfin c’est sympa de se retrouver ainsi régulièrement pour rêver ensemble à ce formidable défi que se jettent les hommes à eux-mêmes, on ne sait trop pourquoi.

 

Les Sables, c’est bizarre, on cherche toujours le centre, comme si le centre était toujours ailleurs, au loin dans l’océan, comme si la ville était excentrée, comme s’il ne fallait chercher d’autre architecture que le vent, les nuages, les vagues, et la mer, comme si la garde de la ville était confiée aux oiseaux, on arrive humblement, nous terriens, « up from the country », mais nous savons déjà en arpentant les quais, que nous marchons sur le toit d’un monde dont la liberté nous enivre.

 

Côté domestique, l’hôtel « internet » n’était pas terrible, honte au virtuel ! Marrant, nous autres terriens préoccupés de notre confort, alors qu’arrivent du bout du monde, des « clochards célestes » qui ont tout enduré et même plus ! Impossible de ne pas penser à Yves Parlier, un extra-terrestre, comme seule sait en sécréter notre bonne vieille Terre. Avec tous ses démêlés, la réparation  solitaire de son mât, la gestion de ses maigres ressources, compte tenu de la longévité de son séjour en mer, son abnégation, son courage,  en font un des plus grands marins d’aventure de tous les temps.

 

Aventure ! C’est ce mot qui nous a fait tous descendre vers les quais ce soir ! Aventure que nous ne pouvons plus vivre, si ce n’est pas héros interposés ! Ce soir, « ils » représentent ce que nous avons abandonné de l’enfance, nos rêves, nos espoirs, notre insouciance ! Aujourd’hui, bien protégés, en voiture, à l’hôtel, devant la télé, nous vivons ou plutôt nous survivons, et « eux » nous aident à retrouver, ce que nous aurions dû toujours gardé coûte que coûte,  l’âme intacte d’un enfant.

 

C’est Michel Desjoyeaux qu’on attend sur « PRB ». L’entreprise qui sponsorise le bateau est des Sables. Aussi, c’est la fête : tout est prêt pour accueillir en « héros » le héros et en mettre plein les mirettes aux spectateurs qui commencent à se masser sur les quais.

 

 

Nous avons changé d’hôtel, et celui-ci présente l’immense avantage d’être situé sur le quai, le long du chenal qu’emprunteront tous les navigateurs pour remonter vers le PC Course. Nous sommes très bien placés au bord de l’eau. Il fait un peu froid, on ne sait plus, on attend, on est joyeux et ému, on pense que ces moments sont très longs pour tout le monde, pour lui, pour sa femme, pour sa famille, pour tous ceux qui l’attendent et pour tous, et on pense aux autres qui sont toujours en mer, à Ellen qui le suit et à ses poursuivants qui se battent avec les océans et on se dit qu’ils reviennent de si loin : que nous amènent-ils, de ces regards d’albatros gracieux et sauvages, de ces ultimes icebergs, de ces déchets qui flottent et perdent les marins, de  leur enthousiasme intact ?

 

La radio diffuse les dernières dépêches. Les gens se parlent les uns aux autres, sans se connaître, heureux d’être là. On est prêt à attendre toute la nuit s’il le faut. Sur le canal, le ballet des vedettes fait monter la tension et l’émotion. Certains chanceux se sont embarqués pour partir à la rencontre de Michel Desjoyaux, Ils nous font des grands signes en passant. Les cornes de brume vrombissent à l’envie...

 

Soudain tout le monde comprend qu’il se passe quelque chose : de grosses vedettes passent à vive allure et on distingue à l’avant les officiels, dont Philippe Jeantot l’organisateur de la course.


Les hélicos ont décollé et leurs phares puissants cherchent une coquille de noix.

Et puis c’est l’émotion. Imaginez, sur cette mer profonde et noire,  un minuscule engin conçu par l’homme, fait d’intelligence et d’équilibre, un oiseau de mer  fougueux, un grain de sable dans l’univers, un satellite, un poisson volant et un homme simple comme vous et moi, pas plus intelligent qu’Homère ou Ulysse, mais pas moins, aussi fort qu’Hercule, mais pas plus, un homme de notre temps, vivant à notre époque , sachant autant que nous, ignorant comme nous le sommes, un homme extraordinaire, certes, mais un homme à la bascule d’un millénaire, un homme somme toute, un des meilleurs d’entre nous, émergé du tour du monde, des icebergs, des murs de vagues, de la solitude, de la peur, du froid et du sel, de la magie du Horn, un homme qui nous rappelle que nous sommes des hommes, c'est-à-dire tout et rien !

 

 

C’est l’hélico qui le repère et alors il ne le lâche plus ! Un mât immense comme une aiguille, et dans les phares, le bateau fin comme une  lame de rasoir déchirant le drap de l’écume. Au sommet du mât, une minuscule lampe qui clignote, comme un saint sacrement de la vie.

 

Michel est un héros: reçu comme tel, avec le feu d’artifice de PRB qui dura infiniment et toutes les sirènes des bateaux  mugissant joyeusement jusqu’aux pontons où Michel Desjoyeaux est accueilli.

A son arrivée, il demanda si c’était la scène qui bougeait : « Non, je t’assure, ça ne bouge pas » rit l’animateur !
-Alors c’est moi ! répliqua Desjoyeaux !

 

Mais nous sommes venus pour Ellen. La petite anglaise, comme dit la presse, pointe le bout de son nez, à quelques encablures. Les rumeurs les plus folles courent au sujet de son angoisse d’arriver. Elle pourrait aussi bien faire demi-tour, tant son attachement à son bateau Kingfisher est fusionnel, tant la mer l’attire plus que la terre et sans doute plus que nous qu’elle aime profondément pourtant, mais aimer !!!


Tout le monde ici aime Ellen, la petite anglaise, si forte, si naturelle, si exigeante avec elle-même, si volontaire et  si sympathique.

 

 

Elle arrivera enfin le lendemain, toute en énergie,

 

A Donf !

 

 

 

Lady of the Ocean !

Poème du Vent Des Globes
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